Le Musée doit renouer avec les philatélistes

 Guillaume Goy ait choisi de nous inviter pour le rencontrer est déjà à marquer d’une pierre blanche

Sans être inhabituel, le simple fait que Guillaume Goy ait choisi de nous inviter pour le rencontrer est déjà à marquer d’une pierre blanche. Et, en préambule, nous dire, à Bertrand Sinais et à moi-même, qu’il souhaitait renouer avec les collectionneurs, n’était pas non plus les paroles auxquelles nous nous attendions. Du coup, l’entretien que nous avons eu avec le nouveau directeur du Musée de La Poste s’est transformé en discussion à bâtons rompus.

Sans vouloir critiquer les choix qui ont été faits par vos prédécesseurs, (parce que la philatélie n’était plus à la mode, parce qu’elle n’était pas «tendance», etc.) souhaiter reconnecter le musée avec les philatélistes est, aujourd’hui, quelque chose d’assez courageux. 

Les philatélistes sont un peu comme moi. Ce sont des gens passionnés, qui aiment La Poste, son histoire, ses objets, son vécu, son imaginaire. 

Dans l’ADN du musée, il y a les philatélistes et je dirai qu’il est bien de revenir aux fondamentaux : les philatélistes ont leur place dans ce musée.  Etes-vous collectionneur ? 

Je suis d’origine italienne et je collectionne les timbres de ce pays. Et j’ai la chance de continuer les collections constituées par mon père et mon grand-père avant lui. 

Mais j’ai un faible pour la série artistique de France et je trouve que l’idée de reproduire des tableaux de maîtres de toutes époques pour les mettre entre les mains des collectionneurs est tout à fait prodigieuse.  

Comment comptez-vous faire pour attirer ce public qui, comme vous le dites, est particulièrement passionné ? 

C’est la salle Marianne qui présente des expositions dédiées aux collectionneurs. Actuellement, on y voit les carnets de timbres, au mois de novembre ce sera le timbre gravé. Nous avons de la place, beaucoup d’espace dans ce musée. Il n’est pas interdit de penser que nous pourrions proposer d’autres sujets. 

Je souhaite que tous les espaces soient utilisés. Avec les équipes du musée nous réfléchissons à ce qui pourrait être fait. Nous avons pour idée de faire une grande exposition sur la collection. 

Comment collectionne-t-on ? 

Les enjeux de la transmission.  Et pour un public plus ordinaire, plus généraliste ? Comme je le disais, nous avons beaucoup d’espace. Les plateaux de la «Galerie du Messager» ont besoin d’être rénovés. Ils sont restés tels quels depuis la fermeture. Un musée a besoin de cela, il doit être vivant. Les sujets d’expositions ne manquent pas : les costumes, l’histoire postale, le mail-art, les moyens de transport, les différents moyens de communication. 

Il est difficile de faire consensus. 

Actuellement une exposition intitulée «La fabrique du Temps» montre comment la Poste a maitrisé ce facteur indissociable de notre vie à travers les époques et nous proposons là un mélange d’objets postaux et d’œuvres d’artistes contemporains.  Organiser de belles expositions dédiées plaira sans aucun doute aux philatélistes mais cela ne suffira pas pour reconquérir ce public. Comme je l’ai dit, aller à la rencontre de ces personnes passionnées, de ces amoureux de La Poste prendra du temps. Il faut aussi que nous soyons présents lors des grandes manifestations : les salons de Printemps et d’Automne. 

Cette année, nous serons également à Colmar lors du Congrès de la FFAP. Si l’on regarde bien, je souhaite rencontrer tous les grands acteurs de la philatélie : l’Académie, la Fédération, vous, les éditeurs de catalogues, les négociants. Rechercher les partenariats me semble aussi une perspective qu’il ne faut pas négliger. 

Je pense que dans un an, 18 mois, on pourra constater les effets de cette volonté.  Avez-vous songé à proposer des produits spécifiques au musée ? Bien sûr et on y réfléchit beaucoup avec les équipes du musée. 

Pourquoi pas un timbre pour le 80ème anniversaire du musée en 2026. Des collectors ? Peut-être. Et ce qui m’encourage dans cette voie-là, c’est sans doute la qualité des différents produits préparés par Philaposte, autre grand acteur de la philatélie pour lequel j’ai beaucoup d’estime et qui, je trouve, fait beaucoup d’efforts. Et qu’est-ce que l’on constate ? Il existe très peu de critiques à son encontre et les timbres qui sont conçus, pour ne citer qu’eux, ont plutôt des évaluations positives.  Nous ne vous apprendrons rien en vous disant que le musée manque de notoriété. 

C’est important si vous voulez avoir un grand nombre de visiteurs. Bien sûr. Et je vous rappellerai que le musée a compté six années de fermeture sans oublier le confinement auquel nous avons tous été soumis. Avant, nous comptions 150 000 visiteurs par an et c’était un score tout à fait honorable. Depuis la reprise en 2021-22, nous en sommes à 50 000 par an. 

C’est pour vous dire l’effort qu’il reste à faire pour revenir aux chiffres d’antan. 

Et c’est pourquoi je souhaite retrouver les philatélistes dans les murs du musée. 

Je souhaite que nous avancions ensemble. Nous nous souvenons de la boutique du musée, des stands qui, lors des premiers jours des timbres (maintenant au Carré d’Encre) animaient le bâtiment. Comptez-vous refaire ces actions, poursuivre dans cette voie ? Encore une fois, il est difficile  de répondre avec certitude. 

Je bénéficie d’équipes qui connaissent parfaitement leur métier. Nous réfléchissons ensemble à ce qui peut être fait. Et finalement je vous répondrai pourquoi pas ? Pour la boutique, je pense qu’il faudrait mettre en évidence des ouvrages, des outils pédagogiques, tout ce qui peut aider à mieux connaître l’extraordinaire richesse patrimoniale dont nous bénéficions ici.  On imagine que vous trouvez du plaisir à être ici. 

Qu’est-ce qui vous a ému le plus ? Je vais vous citer deux exemples : une personne qui m’a amené une collection de lettres écrites durant l’Occupation. Sa parente était non seulement une receveuse d’un bureau de poste mais aussi une résistante. Comment ne pas être ému lorsque vous lisez cette correspondance !


Une autre personne dont le père était aussi un collectionneur est venue nous voir. Elle nous a présenté sur une table une collection de 300 boîtes à timbres avec pour seul souhait que cela ne soit pas séparé et reste un seul ensemble ! 

Que voulez-vous ajouter à cela. Difficile de ne pas être ému. J’ai beaucoup de respect pour toutes ces personnes.


Propos recueillis par Michel Melot

Le Musée de La Poste 

Parce qu’il était réclamé à cor et à cris par l’ensemble des philatélistes, l’administration des PTT avait émis un timbre à surtaxe pour le musée postal en juillet 1939. L’entrée en guerre de la France avait ajourné le projet bien que la loi de finances de 1942 ait entériné la création de l’établissement public. 

Il faudra attendre mai 1946 et son Salon de la Philatélie pour que le ministre de l’époque, Jean Letourneau, annonce l’ouverture prochaine (5 juin) du dit Musée sis à l’Hôtel Choiseul-Praslin, rue Saint-Romain à Paris. Un nouveau timbre avait été émis. En décembre 1973, Hubert Germain ministre des PTT inaugure le nouveau musée de la Poste et de la Philatélie, boulevard de Vaugirard à Paris. Un timbre tiré à presque 7 millions d’exemplaires soulignera l’évènement.

Qui est Guillaume Goy 

Agé de 45 ans, Guillaume Goy provient du sérail, du groupe La Poste où il a pu avoir de multiples activités. 

Conseiller bancaire, spécialisé en patrimoine, manager dans des bureaux de poste, directeur de marché à la Direction déléguée du Réseau Outre-mer, toutes ces activités sont menées en parallèle avec des projets culturels ambitieux en tant qu’élu de Seine-et-Marne. 

Titulaire d’un DEA en Lettres modernes et Médiation Culturelle doublé d’un diplôme en Muséographie, il était le «right man at the right place», l’homme idéal pour succéder à Anne Nicolas, sa prédécesseuse, qui a fait valoir ses droits à la retraite. Guillaume Goy est à la tête du Musée depuis le 6 janvier dernier.