La flexographie, ce qu’il faut savoir

Détail de l’impression de bandes

La flexographie, technique d’impression faisant partie des moyens utilisés pour nos timbres, est principalement adaptée pour deux domaines clés que sont les couvertures des carnets et les bandes phosphorescentes. Vous ne connaissez pas suffisamment ce procédé ? Parcourons ensemble les généralités sur son histoire et son principe de fonctionnement, son utilisation pour les deux applications en usage à l’atelier depuis le début des années 60, enfin ses avantages et inconvénients.

La flexographie, technique d’impression faisant partie des moyens utilisés pour nos timbres, est principalement adaptée pour deux domaines clés que sont les couvertures des carnets et les bandes phosphorescentes. Vous ne connaissez pas suffisamment ce procédé ? Parcourons ensemble les généralités sur son histoire et son principe de fonctionnement, son utilisation pour les deux applications en usage à l’atelier depuis le début des années 60, enfin ses avantages et inconvénients.

Généralités et concept

Flexographie vient du grec flexos : souple et graphein : écrire. Ce principe d’impression est relativement comparable à celui du tampon encreur, mais à l’échelle industrielle. C’est une technique d’impression directe, inventée en 1952 par un groupe d’imprimeurs américains.  La flexographie est utilisée pour l’impression de supports très variés, car la gamme d’encres est nettement plus étendue que pour les autres procédés du fait d’une très grande diversité : encres à l’eau, encres Ultra-Violet (UV), etc.  

Le concept (1) consiste à déposer l’encre directement sur le support à partir de la forme imprimante en relief, semblable à la typographie, appelée cliché. Les clichés gravés sur une matière souple étaient composés de caoutchouc ou de matière plastique avant l’apparition des plaques photopolymères dans les années 70. Ensuite, les clichés sont fixés magnétiquement ou collés sur un cylindre en acier. Ce sont eux qui portent les empreintes du motif à imprimer.  L’unité d’encrage est généralement faite d’un rouleau encreur tramé ou alvéolé, appelé Anilox, trempant dans un réservoir d’encre et d’une racle permettant d’en enlever l’excédent. Ce cylindre dur dépose l’encre sur le cliché en relief qui transfère alors l’encre sur le support à imprimer grâce à une légère pression appliquée par le cylindre de contre-pression. Le procédé utilise une encre fluide. 

Vous l’aurez compris : la flexographie c’est une affaire de cliché qui fait la différence. En réalité, il n’existe pas de machine spécifique, car les clichés souples sont montés sur un manchon, fixés par aimantation ou collage au néoprène. Le cylindre porte-cliché peut être installé sur n’importe quel bloc imprimant d’une rotative (le remplacement d’un cylindre est de l’ordre du 1/4 d’heure). 

Avec l’arrivée des nouveaux clichés en polymère, la quadrichromie a été adoptée dans les années 80. En même temps que d’autres améliorations, la flexographie a permis ainsi de concurrencer l’impression héliogravure qualitativement, à coûts bien moindres, vu les avantages qu’elle englobe (toutefois, la quadrichromie n’est pas utilisée dans le contexte qui est développé ci-après). La flexographie présente plusieurs caractéristiques qui en font une technique d’impression polyvalente et avantageuse.

La flexographie appliquée à l’impression des couvertures de carnets

Depuis l’acquisition des confectionneuses de carnets pour distributeurs dans les années 60, l’impression des couvertures des carnets est réalisée en flexographie. Voici dans le détail les éléments nécessaires :  

 

La clicherie 

Les travaux de clichage ont pour but de multiplier un poinçon-type et d’établir, en nombre suffisant, les clichés nécessaires à l’impression des couvertures. C’est l’Atelier qui usine spécialement les clichés selon deux techniques différentes : 

Par moulage. Certains clichés peuvent être fabriqués par moulage (ils sont, dans ce cas, en plastique ou en caoutchouc). Ils sont réalisés à partir d’une forme à plat pour obtenir une empreinte en creux, appelé flan, qui servira au moulage de la matière souple pour avoir un cliché en relief.  


Le flan est une plaque plastique d’environ 2,5 mm d’épaisseur qui prend l’empreinte d’une forme typographique plane (2), puis sert de moule pour réaliser une forme typographique cintrée s’adaptant à un cylindre de rotative.  

• Par copie sous insolation. Ces clichés sont produits en plaques photopolymères issus des résines polyester, acryliques ou polyamides. Les photopolymères sont réticulés à l’aide d’une source lumineuse UV-A pénétrant la peau. Ainsi, après une insolation dorsale permettant de durcir uniformément leur base par réticulation, puis une insolation de relief à travers un film négatif mat contenant les éléments à imprimer, ils sont développés par brossage dans un solvant (ester, alcool, …) ou en solution aqueuse.

Les plaques photopolymères s’insolent, non pas avec un film positif brillant comme l’offset, mais avec un film négatif mat. La préparation des clichés exige un matériel relativement important : châssis d’exposition, graveuses, séchoirs et unité de traitement. 

 

Les cylindres 

Les clichés obtenus selon l’un des procédés précédents sont collés ou fixés magnétiquement sur un manchon métallique de forme cylindrique. Les cylindres ainsi fabriqués sont ensuite montés sur une confectionneuse de carnets (3)

Concrètement, il s’agit de blocs d’impression récupérés sur les anciennes rotatives typographiques Chambon retirées progressivement du service. C’est la raison pour laquelle on utilise fréquemment, à tort, le terme impression en typo pour ces impressions.  

 

L’impression 

Il convient de rappeler qu’il existe deux cylindres qui impriment les informations de la couverture directement sur la confectionneuse : 

L’indice de collationnement. Imprimé en premier, il est dit cavalier, car situé sur le pli et décalé en escalier permettant de vérifier d’un seul coup d’œil l’exactitude du nombre des carnets (4)

• Le texte de la couverture. Imprimé en second, il comprend aussi le N° de la confectionneuse.

Les clichés obtenus pour le texte correspondent à 10 couvertures par tour pour les carnets de 10 timbres (ou 5 pour les carnets de 20 timbres). 

 

L’encre 

En flexographie, le type d’encre et ses propriétés dépendent de la nature du support à imprimer. En l’espèce, pour les couvertures de carnets qui ne nécessitent qu’une seule couleur, on utilise à l’origine des encres à l’aniline à base d’alcool comme solvant volatil pour un séchage naturel.   

Après 1974, c’est le principe de séchage par polymérisation à l’aide de rayons UV, d’abord utilisé pour le séchage des bandes phosphorescentes sur les presses à grand rendement dont il est question ci-après, auquel on aura recours. Ce dernier a la particularité de présenter de très courts temps de séchage par absorption et évaporation. Les encres associées à ce nouveau procédé de séchage sont sans solvant, sèchent instantanément sous les rayonnements des UV et présentent ainsi l’avantage de ne pas comporter de composés organiques volatiles (COV). Elles sont aussi dites Ultra cure (capacité de rétention d’eau). Différentes des encres pour l’impression des timbres, elles peuvent avoir des réactions chimiques à tendance fluorescente qui sont d’un intérêt secondaire, car elles n’ont aucun usage particulier sur le plan technique. 

L’encre une fois déposée a une bonne résistance à la chaleur ainsi qu’aux abrasions. Associée aux clichés photopolymères, elle assure une impression de qualité et est facile d’usage. La consommation est ainsi optimisée.

La flexographie appliquée à l’impression des bandes phosphorescentes

En résonnance avec l’article du mois dernier « Les encres phosphorescentes pour la discrimination du courrier : Les dix premières années », nous allons également parler des bandes phosphorescentes, imprimées en surcharge sur les timbres-poste pour le besoin du tri postal, apparues sur le courrier début 1970. 

La surimpression des bandes phosphorescentes était d’abord réalisée par des cylindres en acier et le mode de séchage naturel par soufflage d’air donnait satisfaction.  Mais, avec l’arrivée de la Rotative à Grand Rendement (RGR 1) et le besoin d’imprimer les bandes sur les timbres de carnets, des problèmes sont mis en évidence : complexification de l’impression liée à la grande vitesse pour le fait premier et problème de séchage en second cas lors de l’enroulage des bobinettes nécessaires aux carnets entraînant un décalque sur la gomme (le temps écoulé entre l’impression de l’effigie et celle des bandes était trop court pour obtenir un séchage parfait). On connait des tirages non commercialisés sur des timbres pour rouleaux de carnets 0,40 Cheffer rouge réalisés début mars 1970 (du 9 au 13) sur la TD 6-3 dont les bandes se décalquaient sur le verso.  Pour y remédier, un principe de séchage par polymérisation à l’aide de rayons UV fut développé et installé sur les presses taille-douce (TD 6 et RGR) fin 1974. C’est alors que l’on en vient à l’utilisation de l’outillage flexographique pour les bandes phosphorescentes, du fait qu’il présentait une meilleure performance obtenue grâce à l’amélioration du système de séchage et permettait ainsi d’accélérer le processus d’impression.  

 

Les cylindres 

Leur confection est identique à celle des carnets, c’est-à-dire en plaques photopolymères selon la même technique de copie sous insolation détaillée ci-avant dans le paragraphe La clicherie. Le bloc d’impression est issu des rotatives typographiques. Les bandes imprimées avec ce nouveau dispositif sont de type B, C et E selon la classification réalisée dans ce domaine par Jean-Jacques Rabineau (les types A et D correspondent à des cylindres métalliques).  

 

L’impression 

A partir de là, la présence des bandes phosphorescentes de type B et C sont surimprimées par un cliché souple monté sur un manchon métallique, donnant un cylindre installé sur des blocs typographiques additionnés aux presses taille-douce concernées :
TD 6-4 à 7 (5) et (6) et RGR 1 puis RGR 2 (7). Les bandes phosphorescentes de type E sont plus contemporaines.  

 

L’encre 

Pour la composition de l’encre des bandes phosphorescentes, la problématique est différente de celle des couvertures de carnets puisqu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une encre, mais d’une émulsion dans laquelle on ajoute un ingrédient principal qui produit le phénomène de phosphorescence. Un cahier des charges a été établi à l’origine après de longs essais, très variés, permettant d’avoir un produit stable et performant sur tous les papiers et convenant à tous les types de machines de marquage.


Il prévoit également qu’elles ne doivent pas être perceptibles par l’usager à la lumière du jour ! Le pigment incorporé à l’encre doit avoir un comportement essentiellement phosphorescent lorsqu’il est excité par une lumière UV. L’énergie relative d’une période inférieure à 1 milliseconde doit être inférieure à 15 % de l’énergie luminescente totale et continuer à se manifester après que l’excitation ait cessé.  Par exemple, la substance phosphorescente utilisée par la société HELNA devenue SIRAL, est obtenue en combinant un composé de triazine formé en présence d’une substance activante (8).  

Avant impression, l’encre phosphorescente est de couleur jaune très clair et une fois déposée elle est translucide, quasiment invisible.  

 

Un détour chez les sous-traitants pour les enveloppes CH 20 CCP 

 

Comme nous l’avons précisé dans le Timbres Magazine n°272, les enveloppes CH 20 CCP ont fait l’objet d’essais pour le choix du support et des encres (les choix retenus font l’objet de la spécification N° ST 242.01 datée du 19.1.73 relative au Marquage phosphorescent des enveloppes © Musée de La Poste). 

Au même titre que les timbres-poste, l’impression des bandes en surcharge des dites enveloppes sont réalisées en flexographie. Il nous reste à en préciser la genèse…. qui nous emmène vers des entreprises privées.  

Bien avant la mise en service de ces enveloppes début 1974, l’Administration s’était intéressée au marquage phosphorescent des enveloppes circulant en franchise et mise à disposition du public ; ainsi que des correspondances réponse. Ce marquage, placé en lieu et place du timbre-poste, devait permettre de réaliser automatiquement les opérations de redressage et la séparation des plis urgents/non urgents (pour mémoire, le marquage retenu pour ces courriers par la spécification citée supra est d’une ou trois bandes). L’Atelier du Timbre-Poste ne disposant pas de moyens pour confectionner des enveloppes, il dut se tourner vers la sous-traitance. On connaît au moins deux séries d’essais : 

• Des essais précurseurs signalés à la date du 20.3.70 réalisés avec l’appui du CNET. Ces essais concernent des marquages de 1, 2 ou 3 bandes (9) associées ou pas avec des ronds réalisés sur des enveloppes vierges de plusieurs couleurs et dans des formats différents selon les fournisseurs. Les encres sont des encres phosphorescentes translucides ou fluorescentes de couleur magenta. 

• Une analyse de l’impression de bandes phosphorescentes sur pochette CH 20. Un document du CNET daté d’août 1972 nous informe du résultat d’analyses réalisées par les Etablissement Raymond, SODIPA et SONALSAC à l’aide d’une encre flexo référencée R 152 fabriquée par la société SIRAL. L’impression de 3 bandes (3 X 13 mm séparées de 4 mm) et le façonnage avaient été confiés à ces trois établissements, suite à un appel d’offres mettant en compétition une douzaine d’entreprises. Les trois citées avaient été choisies pour des préséries. L’analyse porte sur le respect des dimensions imposées, la luminescence sous excitation UV et l’aspect en lumière naturelle. Le comportement des pochettes imprimées a été étudié sur une redresseuse HR 3.
On connaît par ailleurs des essais, avec une, deux ou trois bandes phosphorescentes sur les toutes premières enveloppes au format paysage qui sera retenu un peu plus tard, très certainement réalisés dans la même période (10).  Il est important de se rappeler que les bandes sont imprimées en flexographie sur un papier ordinaire, en grandes feuilles comme les enveloppes du commerce. Les enveloppes sont ensuite fabriquées sur une machine spéciale qui assure le découpage, le pliage et l’encollage. Les enveloppes bleues finalement retenues sont de la marque Clairefontaine.

Avantages et inconvénients

Comme tous les procédés d’impression, la flexographie a ses avantages, ils ont été décrits, …. et ses inconvénients, nous allons en parler. Voici les principaux concernant la qualité de l’impression, en distinguant les deux usages abordés précédemment qui sont très différents.  

 

Pour les couvertures de carnets : 

• Encrassement. Accumulation d’encre ou apport d’encre excessif sur la surface des reliefs du cliché qui se transfère sur le support. Cela donne une impression grasse. 

• Élargissement du point ou écrasement. Augmentation de la surface du point de trame dû à la pression du contre-cylindre trop forte (11)

• Usure prématurée des clichés. Phénomène de vieillissement de la plaque, d’abrasion et d’arrondissement des talus. Ceci est particulièrement constaté sur les clichés en Dycril. Cette matière, qui se révèle cassante à l’usage intensif, provoque une multitude de variétés (12).  

Elles sont parfois spectaculaires allant jusqu’au détachement d’un caractère qui va se positionner n’importe où par aimantation et se trouve donc repris à l’impression.  

 

Pour les bandes phosphorescentes : Là, les défauts rencontrés sont d’un autre ordre puisqu’ils ne sont pas liés directement au cliché flexographique, mais plutôt à des problèmes de synchronisation ou d’encrage. 

• Décalages plus ou moins importants des bandes. Ils sont dus à la désynchronisation entre les blocs imprimant ; celui de l’effigie et celui des bandes phosphorescentes (13).  Ces décalages font le bonheur des variétistes par leur côté spectaculaire. Cela dit, ils sont sans importance pour le fonctionnement des discriminatrices à la condition qu’il y ait bien deux bandes d’imprimées afin d’éviter le déclassement du courrier urgent. Les déplacements latéraux suite à un glissement de gauche à droite (ou l’inverse) sont plus rares. S’agissant de timbres à usage courant imprimés en grande quantité, ces variétés sont à prendre en considération lorsqu’elles sont relativement importantes (par exemple, les décalages verticaux doivent concerner plus d’un tiers de la dimension du timbre).  

• Manque d’homogénéité ou variation de la dimension des bandes. Ce phénomène anormal est lié à un problème de distribution et de quantité d’encre déposée, voire à une mauvaise adhérence (14)

• Bandes partiellement imprimées ou totalement absentes. Ces anomalies sont consécutives à un défaut d’alimentation de l’encrier. Les collectionneurs doivent savoir que la quasi-totalité de ces variétés est facile à contrefaire (notamment pour certaines encres, par un simple traitement à l’alcool). La plus grande prudence est recommandée.  

 

La technique de la flexographie, dans le parc de moyens très important et très varié dont dispose l’Imprimerie des Timbres-Poste, fut adoptée assez récemment. Il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas d’une machine pour l’impression de timbres proprement dits, mais d’équipements indispensables à la fabrication de clichés et cylindres pour des impressions précises associées aux quatre procédés bien connus déjà en service. C’est peut-être la raison pour laquelle les explications liées à cette méthode d’impression sont rares. Nous avons souhaité combler ce vide en apportant des informations sur ce qu’il faut savoir.


Il ne s’agit bien entendu que d’une vulgarisation. Notre but consiste à exhumer des sources et à les faire découvrir. Chacun pouvant ensuite s’en servir pour sa propre analyse ou se tourner vers les associations spécialisées dans le domaine des carnets (A.C.C.P.) ou des bandes phosphorescentes (C.A.M.). Elles vous apporteront, pour aller plus loin, tous les détails nécessaires quant à la typologie des bandes phosphorescentes, les différentes confectionneuses de carnets, les évolutions techniques, la datation et les variétés les plus diverses.  

 

Gérard Gomez 

Membre correspondant de l’Académie de philatélie et Président d’honneur de l’A.C.C.P.  

Remerciements à Olivier Gervais pour sa relecture.